3 défis pour les annonceurs en 2020

La notoriété ne «s’achète» plus

stéphane mailhiot

havas montréal

«Aujourd’hui, la notoriété se mérite. Bien sûr, il reste de la place pour les médias achetés, et beaucoup de publicités sur ce segment fonctionnent très bien. Mais désormais, on doit y joindre une signification, une communication qui sait attirer l’attention.

Si un annonceur persiste à acheter le plus gros plan média en diffusant des campagnes ordinaires à la télévision, il ne sera pas compétitif à long terme. Nos annonceurs arrivent toujours avec le même problème : ils ont un produit extraordinaire, mais les gens ne le savent pas. Notre travail consiste à attirer l’attention de la bonne manière pour accompagner le produit. Parfois, c’est parce qu’ils ont des valeurs intrinsèques fortes, parce que l’entreprise fait les choses correctement ou parce qu’ils sont divertissants comme annonceurs. Mais, dans tous les cas, ce volet devient de plus en plus important dans une campagne de notoriété.»

La créativité doit s’adapter aux multiples formats

«Il y avait, autrefois, une assiette de médias relativement bien paramétrés, et les clients nous engageaient pour produire les bons contenus à y mettre. Aujourd’hui, ils ont également besoin de notre intelligence pour savoir quels canaux seraient les plus pertinents.

«On a plus que jamais besoin de créativité, mais elle ne se limite plus aux mêmes trois ou quatre formats.»

On a plus que jamais besoin de créativité, mais elle ne se limite plus aux mêmes trois ou quatre formats. Avant, on pouvait avoir un rédacteur qui ne faisait que de la radio. Aujourd’hui, cela n’a plus de sens car le problème, la mission que nous devons accomplir, est beaucoup plus complexe que le simple message que nous allons communiquer dans un spot radio.»

Un modèle d’affaires et une collaboration à réinventer

«nos clients sont sous pression et veulent payer le moins cher possible.»

«Tant que nous vendrons des heures, nous ne serons pas les meilleurs partenaires pour nos clients et leur développement. Ce qui nous empêche d'offrir ce pourquoi nous avons le plus de valeur ajoutée se trouve dans la transversalité de nos idées. Le modèle de rémunération des agences peut être appelé à changer. D’un côté, nos clients sont sous pression et veulent payer le moins cher possible. De l’autre, nous sommes sous la pression de salaires à la hausse. Plusieurs clients ont essayé d’internaliser leur relation agence afin de faire de la création à l’interne, mais peu y parviennent, notamment parce que peu de créatifs acceptent de travailler pour une seule marque dans leur vie.»

Stéphane Mailhiot est également formateur Infopresse. Il animera notamment la formation Utiliser les tendances pour bâtir ses stratégies le 19 février 2020. Pour plus d'informations, cliquez ici

Photo: campagne «Bold Vodka» par Havas Montréal – décembre 2018

Quel est le plus grand défi des médias en termes de monétisation?

nicolas faucher

mediatonik

Aujourd’hui, les modèles d’attribution utilisés par la majorité des annonceurs et des agences ne prennent pas en considération l’impact réel de tous les médias dans la prise de décision d’un consommateur. Les médias doivent donc démontrer la pertinence d’investir massivement sur leurs plateformes plutôt que se concentrer sur des plateformes comme Facebook ou Google. Au niveau papier et sur les autres plateformes traditionnelles, les médias doivent se battre et réfuter l’idée selon laquelle plus personne ne lit des magazines ou des journaux.

Selon moi, les annonceurs doivent absolument se sortir de l’engrenage Google/Facebook. Cette dépendance nuit au marché de l’édition mais aussi aux objectifs des clients. Ces derniers devraient augmenter la part allouée aux médias québécois en mettant en place de réels partenariats et ils verront le résultat. Aujourd’hui, les éditeurs sont prêts à générer de la performance pour les annonceurs.

Comment les médias peuvent-ils prouver leur valeur par rapport à des géants comme Google ou Facebook?

«Les médias locaux ne demandent pas la charité. Ils veulent montrer qu’ils sont autant efficaces que les géants du Web.»

C’est une question assez complexe. Auparavant, les annonceurs investissaient dans certaines plateformes sélectionnées et le client obtenait de la visibilité. Les modèles d’attribution étaient assez larges. Puis, Google et Facebook ont mis en place un modèle d’attribution et de mesurabilité très précis, basé sur les clics, particulièrement sur le dernier clic. Ce modèle, très apprécié par les annonceurs car plus précis, ne s’adapte pas aux plateformes traditionnelles, alors qu’elles ont un rôle crucial. Leur principal enjeu est donc de mettre en place des outils de mesure pour justifier leur rôle auprès des annonceurs.

Les médias locaux ne demandent pas la charité. Ils veulent montrer qu’ils sont autant efficaces que les géants du Web car leur contenu est de qualité, ciblé et offre une visibilité complémentaire.

Existe-t-il un enjeu spécifique à l’échelle québécoise?

Le volume. Un éditeur au Québec génère 10 à 50 fois moins d’impressions qu’un éditeur du Canada anglophone. Dans le même temps, le CPM reste le même. Il est donc difficile pour un éditeur québécois de générer des revenus importants et de faire face à la concurrence anglophone.

Le phénomène de globalisation n’aide pas les éditeurs locaux. On revient au même enjeu que la légitimité vis-à-vis des plateformes comme Google et Facebook : si les médias québécois arrivent à démontrer leur efficacité, leur pertinence et leur raison d’être, les annonceurs seront séduits.

Les éditeurs ont une qualité rédactionnelle très importante au Québec, qu’ils ont réussi à conserver malgré les défis de monétisation qu’ils rencontrent. Cette stratégie finira par payer.

La transparence est-elle encore un enjeu?

«Plus que de la transparence, il faudrait éduquer les différentes parties.»

Tout à fait, encore plus à l’ère du numérique. Lorsqu’un annonceur achète un panneau d’affichage, il sait combien cela lui a coûté, et il voit le résultat de ses yeux. Avec le numérique, tout est plus vague. Pourtant, les différents intervenants auraient tout intérêt à comprendre la chaîne de valeur des achats média : quand un annonceur achète une campagne 1 000 dollars, combien touche l’éditeur? Les frais sont nombreux, chaque joueur prend un pourcentage. Chacun fait son travail, mais l’écosystème ne comprend pas forcément les rouages et n’identifie pas tous les joueurs. Plus que de la transparence, il faudrait éduquer les différentes parties.