Quand la réalité virtuelle se transforme en collègue de travail

La réalité virtuelle, plus communément appelée VR, met plus de temps à percer que d’autres technologies, notamment en raison de son équipement coûteux et de ses fils encombrants qui limitent l’expérience.

Toutefois, certains grands joueurs, comme Facebook, tentent d'encourager son adoption en diminuant ses différentes barrières à l’entrée. L'entreprise a ainsi récemment mis en marché un casque sans fil et une nouvelle offre dédiée aux professionnels, avec outil de gestion de flotte, service client et interface utilisateur adaptée.

De la clientèle à la formation des employés

damien lefebvre

valtech

«De grandes entreprises ont voulu tirer profit de cette technologie, par exemple pour agrandir leur magasin ou pour offrir une nouvelle expérience produit», explique Damien Lefebvre, coprésident de Valtech à Montréal.

C’est le cas du détaillant Décathlon, par exemple, qui présente un modèle de tente en magasin, mais permet aussi à ses clients de mettre à l’essai ses autres modèles grâce à la VR. 

 

Or, une telle expérience sert tout autant les vendeurs en magasin, qui expérimentent rarement eux-mêmes les produits qu’ils proposent. Avec la VR, ils peuvent faire de meilleures recommandations aux clients. 

C'est ce qu'a mis à l'essai Walmart. Avec ses deux millions d’employés partout dans le monde, la marque souhaitait utiliser les casques Oculus Go afin que le personnel puisse se préparer à des situations réelles qui pourraient survenir sur le terrain, notamment pendant le Black Friday. Elle a ainsi organisé plus de 200 classes de formation en VR.

«Plus l’entreprise compte d’employés, plus il devient intéressant pour elle d’utiliser ce genre de technologie pour la formation, précise Damien Lefebvre. La complexité d’un produit ou d’un métier peut également en valoir la peine.»

«Plus l’entreprise compte d’employés, plus il devient intéressant pour elle d’utiliser ce genre de technologie pour la formation.»

Depuis l’automne dernier, l'université de Montréal propose d'ailleurs à ses étudiants en sciences infirmières un univers de réalité virtuelle totalement immersive pour simuler différentes situations du métier, comme les visites à domicile, la manipulation de thermomètre ou de pansements.

«La formation de médecins à distance, dont certaines compétences ou spécialités ne sont pas offertes dans toutes les régions, est un exemple classique de toute l’utilité que revêt la VR», souligne Damien Lefebvre.

Des évaluations virtuelles aux entretiens d’embauche

Plus récemment, Walmart a également poussé l’expérience plus loin en remplaçant les évaluations d’employés, en général documentées sur papier, par des évaluations «virtuelles». À l’aide du casque, l'entreprise vérifie ainsi la présence d’esprit et l’instinct de ses «associés» grâce à des scénarios virtuels, comme la résolution de conflits avec un collègue ou la motivation d’un employé moins performant.

Combinée à des entrevues et comparée avec des milliers d’employés, l’évaluation virtuelle permet d’éliminer les biais du processus d’évaluation interne. Cette méthode aurait permis à Walmart d’évaluer 10 000 personnes à l’échelle des États-Unis, selon le Washington Post.

D’autres applications ont aussi vu le jour pour les entrevues d’embauche. L’organisme Pôle Emploi, en France, a créé un simulateur d’entretien d’embauche personnalisé qui permet d’améliorer ses compétences durant les entretiens.

«En contexte de pénurie de main-d’œuvre, ces expériences nouvelles et ludiques permettent aussi d’attirer des candidats«, mentionne Damien Lefebvre, précisant que Valtech se penche elle-même sur la question pour l'intégrer à son propre processus d’embauche.

La réalité, même virtuelle, a ses limites

Même si la VR est devenue plus pratique en se départissant notamment de ses fils encombrants, d’autres contraintes l'empêchent d’être popularisée dans les milieux de travail. «L'une d’entre elles est la modélisation 3D: plus tu dois créer un environnement complet, plus ça coûte cher», explique le coprésident de Valtech.

S’il est facile pour une entreprise d’acheter des éléments virtuels simples dans des banques de données d’images 3D, comme une table de travail ou un écran d’ordinateur, la tâche est moins évidente pour une entreprise qui aurait des produits uniques.

«Dans un contexte de formation simple, comme celle des vendeurs, on conçoit de toute pièce environ 50 % de l’expérience, et pour l’autre moitié, on achète des actifs 3D déjà créés», commente Damien Lefebvre. Valtech a d'ailleurs récemment fait l’acquisition de MJD Interactive à San Diego, qui crée des expériences immersives pour les marques.

Il croit aussi que, pusique la réalité virtuelle demeure complexe à déployer pour une entreprise, celle-ci doit avant tout se demander si son contexte requiert réellement une expérience en VR et non en réalité augmentée. Cette dernière est parfois plus utile et plus efficace, car son utilisation ne nécessite pas de créer des actifs VR, mais une simple tablette. «Un mécanicien pourrait ainsi ouvrir le capot d’une voiture, et à l’aide de son iPad Pro et de la réalité augmentée, voir où se situent les différentes pièces.»

La réalité mixte présente également de nombreux avantages à ne pas négliger, de son avis. «En portant un casque, tu vois l’environnement physique dans lequel tu te trouves. Une couche est ajoutée à ce dernier pour créer de la profondeur, laquelle n’existe pas en réalité augmentée, soutient-il. Le contexte est essentiel pour s’assurer de proposer une expérience adaptée.»

Photo tirée de la vidéo de présentation du cas d'Oculus et Walmart.