Intelligence artificielle en marketing: se préparer à traverser la vallée des désillusions

Les startups du domaine inspirent les grandes entreprises qui s’arrachent les data scientists dans l’espoir de trouver la pépite d’or qui leur permettra d’optimiser les opérations de manière automatisée, de déterminer les clients qui rapportent le plus de revenus ou encore de réduire l’impact de tâches répétitives sans valeur ajoutée.

Le cycle du hype

Comme bien d’autres avant elle, l’intelligence artificielle est une technologie pour laquelle l’intérêt devrait évoluer selon le désormais célèbre cycle du hype de Gartner.

Nous sommes actuellement en train de gravir le pic des attentes exagérées. Tous les indices d’un hype y sont présents: 

  • C’est un sujet abordé dans la majorité des conférences d’affaires ou de marketing.
  • Les termes clés (intelligence artificielle, apprentissage profond, apprentissage machine, algorithmes, automatisation, et bien d’autres) sont utilisés à toutes les sauces et galvaudés.
  • Des dizaines d’entreprises annoncent des investissements massifs et ouvrent des centres d’expertise consacrés à l’IA. À Montréal seulement, Facebook, Microsoft, Google, Thales SA et Samsung ont déjà annoncé l’ouverture de tels centres.
  • Les entreprises s’arrachent les ressources spécialisées dans le domaine.
  • Plusieurs statisticiens, mathématiciens et analystes de données se façonnent une image professionnelle d’experts en science des données pour surfer la vague.
  • Les entreprises investissent dans l’IA et embauchent des ressources, mais elles n’ont pas nécessairement de plan d’affaires ni d’analyse de rentabilité clairs ou bien établis.

Cet engouement exagéré mènera inévitablement à une déception. Ce genre de cycle du hype a été observé dans plusieurs domaines, notamment dans celui du Web il y a plus de 20 ans. Cela a aussi été le cas pour la réalité virtuelle il y a quelques années. 

La désillusion et le cycle d’innovation

«une phase de désillusion qui comporte évidemment son lot de conséquences négatives.»

La phase de désillusion comporte évidemment son lot de conséquences négatives. Des projets, des programmes et des investissements sont interrompus, des emplois sont perdus et des rêves sont brisés. On peut également considérer la situation dans la perspective d’un réajustement du marché, une sorte de juste retour des choses où l’équilibre entre les attentes et l’exécution se dirige vers une adéquation plus optimale.

Cette désillusion se manifeste lorsqu’un groupe de dirigeants d’entreprise et de chercheurs essaient de travailler ensemble. Les dirigeants recherchent la grande idée qui se traduira par des profits assurés dans un horizon temporel déterminé et généralement court. Les chercheurs, quant à eux, sont bien plus à l’aise dans des cycles de travail longs aux résultats indéterminés et ils n’évaluent naturellement pas les succès selon les mêmes valeurs que les dirigeants. Ils formulent des hypothèses et valorisent tant la confirmation que l’infirmation de celles-ci, contrairement aux dirigeants qui, pour toutes sortes de raisons, ne voient pas tant d’intérêt à prouver scientifiquement qu’une idée est mauvaise.

La déception viendra notamment de la confrontation de ces deux réalités bien différentes, mais aussi du processus qui permet de goûter aux bénéfices de l’IA. Les conférences et discussions autour de l’IA focalisent généralement sur la partie de l’analyse et de l’activation des données, soit les insights. Deux phases sont toutefois essentielles pour en arriver là: la collecte des données et leur mise en application en génie des données, ou data engineering. Selon trois spécialistes invités à un panel sur le sujet, ces deux phases représentent de 80 à 90 % du travail en IA.

«Les données sont raisonnablement accessibles et une grande proportion des entreprises en font une capture très approximative.»

On le voit bien en numérique: les données sont raisonnablement accessibles et une grande proportion des entreprises font une capture très approximative des données. C’est encore pire pour le data engineering, qui consiste à organiser, à structurer, à épurer et à préparer les données pour amorcer le travail que tout le monde souhaite accomplir. L’intelligence artificielle ne pourra se développer que lorsque ceux et celles qui l’organisent accepteront de faire confiance à ce processus.

Ceux qui préparent les dossiers de décision en matière d’intelligence artificielle doivent prendre en considération les coûts de ce travail dans leurs analyses de rentabilité avant de faire miroiter les bénéfices de l’IA s’ils veulent amortir la chute entre le pic et la vallée des désillusions.

Comment réussir sa traversée du désert?

Contemplez cette nouvelle image: il y a un désert à traverser. Seuls quelques-uns arriveront à le franchir. Ferez-vous confiance à ceux qui trimballent des centaines de litres d’eau ou à ceux qui entendent trouver une manière d’en générer au fil de leur progression? Les premiers ne réussiront pas la traversée, accablés par leurs bagages trop imposants. Ce sont les entreprises qui ont embauché trop vite une équipe spécialisée en IA sans veiller à ce que l’organisation des affaires soit adaptée à la route à parcourir.

Concentrez-vous sur l’organisation de vos données

«Les données, bien structurées, sont l’oxygène de toute initiative d’IA.»

Axez une grande partie des efforts sur la collecte et l’organisation des données pour les rendre exploitables et dignes de confiance. Les données, bien structurées, sont l’oxygène de toute initiative d’IA. Profitez de l’ascension du pic, pendant laquelle les budgets sont importants, pour réaliser ces tâches qui deviendront rapidement impopulaires pendant la descente vers la vallée.

Concentrez-vous sur le problème

Prenez le temps de bien définir le problème pour réaliser un vrai gain de temps. Il est tentant d’opter rapidement pour la solution évidente à un problème en recourant à des modèles ou à des technologies émergentes (Chatbots, Codes QR, Attribution multitouch, Influenceurs). Il est toutefois essentiel de s’assurer que les parties prenantes ont une compréhension approfondie de l’enjeu et qu’ils ont une vision globale des techniques de résolution à leur disposition. C’est ici que la créativité entre en jeu. Vous pourriez même vous rendre compte que vous n’avez pas besoin d’IA pour régler le problème ou accélérer la croissance de votre entreprise.

Concentrez-vous sur une culture d’exploration et d’apprentissage par l’erreur

«Valorisez et donnez le droit à l’erreur à ces nouvelles équipes multidisciplinaires qui explorent un domaine aux limites incertaines.»

Valorisez et donnez le droit à l’erreur à ces nouvelles équipes multidisciplinaires qui explorent un domaine aux limites incertaines, qui collaborent pour la première fois et qui ne connaissent pas toujours la verticale dans laquelle ils atterrissent. Par exemple, il ne faut pas tenir pour acquis qu’un mathématicien est à l’aise avec les principes de base du marketing. L’important est de mettre en place une culture opérationnelle qui apprend de ses erreurs et qui encourage les différentes unités à explorer la réalité des autres unités impliquées afin de parvenir à une compréhension mutuelle, dont le bénéfice augmentera de façon exponentielle avec le temps.

Concentrez-vous d’abord sur de petits projets

Finalement, automatisez de petites choses et débutez par des algorithmes simples qui apportent de petits bénéfices. Cette approche permet d’entamer une danse entre les profils de chercheurs comme les mathématiciens, data scientists, etc. et les profils d’affaires. Cette étape représente bien plus qu’une fin en soi, c’est aussi une façon de jeter les bases de cette collaboration essentielle et la gestion des attentes entre les différentes parties prenantes. Elle permet également de répartir le risque entre plusieurs petits concepts plutôt que de le concentrer sur une grande idée dont l’aboutissement est simplement trop lointain et coûteux. Bref, si votre équipe est incapable de construire un chalet en deux semaines, il y a de bonnes chances qu’elle ne soit jamais capable d’ériger un château en 20 ans.

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À propos des auteurs: 

JF Renaud

adviso

Jean-François Renaud, associé et co-fondateur d'Adviso

Jean-François Renaud est responsable du développement et du rayonnement de l’entreprise. Son apport majeur à l’entreprise inclut l’établissement d’ententes avec des clients d’envergure aux niveaux national et international dans une grande variété d’industries.

r. kamena

adviso

Roger Kamena, vice-président science et technologies de données

Spécialiste en positionnement payant, en référencement organique et en planification stratégique, Roger est à même de créer des solutions sur mesures, qui sauront répondre aux attentes de ses clients évoluant dans des environnements complexes et extrêmement concurrentiels. Roger est capable de saisir les enjeux propres à chaque industrie pour proposer à ses clients des stratégies innovantes et performantes en matière de marketing Web.

Édouard Reinach, consultant stratégie de transformation numérique

E. Reinach

adviso

Récemment consultant auprès de différentes startups d'ici et d'ailleurs, il s'attaque aux défis d'affaires des clients d'Adviso grâce à un parcours généraliste dans plusieurs domaines. Ayant travaillé en créativité technologique et en analyse de donnée et innovation commerciale, Edouard possède une capacité singulière à identifier des solutions originales à des problématiques complexes. La qualité du parcours d'Edouard a été plusieurs fois reconnue à travers différents concours nationaux et internationaux.