Attitude affronte les géants sans complexe

jean-François Bernier

©David Boyer photographe

Avec 250 produits corporels et ménagers naturels, Attitude est devenue un incontournable dans sa catégorie ici et dans 45 pays. L’entreprise double sa croissance aux trois ou quatre ans depuis sa naissance en 2006. Et en 2019, ladite croissance s’est accélérée, car l’organisation a triplé son volume d’affaires. Comment une gamme de produits de créneau fait-elle sa place aux côtés de marques de multinationales? Jean-François Bernier, cofondateur et président-directeur général d’Attitude, y répond. 

Quelle était l’idée derrière la création d’Attitude?

Notre but était d’aider les familles à mieux vivre en leur proposant des produits bons pour l’environnement et pour leur santé, performants, à prix raisonnable et sans composantes inquiétantes (cancérigènes, allergènes, mutagènes et perturbateurs endocriniens). Dès le départ, nous voulions vendre à l’international et nous visions les grands réseaux de distribution. 

Justement, comment une marque de créneau comme la vôtre a-t-elle pu se tailler une place dans les grandes épiceries et les pharmacies plutôt que de rester confinée à des petites boutiques spécialisées?

«Tout réaliser à l’interne nous a servis quand les marges dans l’industrie ont commencé à se réduire.»

Un élément central de notre plan d’affaires était de concevoir et de fabriquer nous-mêmes nos produits plutôt que de recourir à des sous-traitants. Donc, nous nous sommes positionnés comme une entreprise de développement de produits. Et nous avons soutenu ce positionnement en nommant comme vice-président, recherche et développement, Hans Drouin, qui venait alors d’obtenir son doctorat en génie chimique et biologique. 

Pas question d’être à la remorque d’un développeur qui entraînerait des frais, lesquels allaient faire grimper les prix au détail. Nous désirions éviter des intermédiaires comme un fabricant qui détermine une formule et achète les ingrédients, ou encore un courtier qui négocie avec les grandes surfaces. 

Cette stratégie nous a d’ailleurs servis lors de la crise économique de 2008, car les marges dans l’industrie se sont considérablement réduites en raison d’une pression intense sur les prix. Par conséquent, des marques ont disparu. 

Par contre, on ne négocie pas avec les grands joueurs de la même façon qu’avec un commerce de quartier. Comment vous y êtes-vous pris à ce chapitre?

«Les préoccupations sont les mêmes partout dans le monde.»

À nos débuts, j’assumais moi-même le développement des affaires. Puis, à mesure que nous avons grandi, je me suis fait entourer et même coacher par des experts en la matière afin de savoir comment les grands détaillants fonctionnaient. De fait, cette naïveté nous a bien servis à l’époque. En quelque sorte, elle nous protégeait, car nous n’étions pas pleinement conscients des embûches, des risques, etc.

Cela dit, nous avons aussi bénéficié d’un contexte favorable, car le marché était rendu là où nous étions. Par exemple, pensons à la crise des algues bleues qui a frappé le Québec en 2007. Il est clair qu’un éveil aux enjeux environnementaux a commencé à se produire à l’époque.

Qu’en est-il des marchés internationaux? Comment avez-vous réussi à vous implanter dans les 45 pays où vous êtes désormais vendus? 

«Nous avons bénéficié d’un contexte favorable, car le marché était rendu là où nous étions.»

Dès 2007, nous avons commencé à participer à des salons professionnels, de Toronto à Paris en passant par Los Angeles. On y a vite constaté que les préoccupations sont les mêmes partout. Par conséquent, nous y avons conservé les mêmes emballages et véhiculé les mêmes messages. 

Là où il y a eu des ajustements, c’est dans l’offre de produits, car certains marchés sont plus avancés que d’autres. Ainsi, nous vendons aujourd’hui plus en Asie qu’au Canada, même si nos ventes ici représentent 30 % de notre volume total.

Cela dit, nous ne pouvons pas nous asseoir et laisser la marque faire tout le travail par elle-même. Aux États-Unis, nous sommes dans 4 000 points de vente et nous devons encore faire nos preuves là-bas.

Par contre, nous voyons d’un bon œil la sensibilité des consommateurs aux produits comme les nôtres. On sent d’ailleurs une évolution dans leurs questions. Jadis, ils se contentaient de demander si tel ou tel produit était biodégradable. Aujourd’hui, leurs interrogations sont beaucoup plus poussées.

N’est-ce pas difficile d’affronter des géants comme Unilever et Procter & Gamble?

Notre créneau les intéresse peu. La stratégie de ces multinationales est de pénétrer une catégorie quand elle devient mature, puis d’acheter les joueurs qui s’y trouvent. Or, nous n’avons pas du tout l’intention de vendre Attitude. De plus, il serait assez incohérent pour eux de véhiculer des vertus écologiques et environnementales, alors que leurs portefeuilles comportent des produits qui vont à l’encontre d’une telle philosophie.

Parce que nous sommes nettement plus petits – une trentaine d’employés –, nous jouissons d’une agilité qui nous permet de développer des produits plus vite, sans devoir passer par moult étapes d’approbation et d’évaluation. 

Les opérations ont toujours revêtu une grande importance pour les huit frères Benny qui ont fondé la rôtisserie. La deuxième génération, dont fait partie Yves Benny, maintenant vice-président relations publiques et développement des marchés pour la bannière, a grandi avec cette culture, où le bon climat de travail est valorisé.

de gauche à droite: yves benny, jean benny, vincent benny

«J’ai ouvert mon premier restaurant en 1984 en région et déjà la main-d’œuvre se faisait plus rare et on devait rivaliser de moyens pour attirer des employés, explique-t-il. D’autant plus que le milieu de la restauration est déjà ingrat en soi: on travaille pendant que les gens sont généralement en congé.»

Grandir sans s’éparpiller

L’expansion s’est accélérée au début des années 2010, si bien que la direction de Benny&Co. a commencé à se pencher plus sérieusement sur la question de la cohérence de son approche en ressources humaines avec les valeurs familiales de l’entreprise. «On ne voulait pas diluer l’ADN de notre marque plus on grandissait», soutient-il.

«Notre entreprise a dépassé les 1 700 employés, c’est important qu’ils soient connectés avec notre histoire»

Elle a alors commencé à prendre des mesures pour perpétuer la touche familiale. Ainsi, quatre fois par année, les membres de la famille Benny réunissent tous les nouveaux employés pour les accueillir et leur transmettre les grandes lignes des valeurs de l’entreprise et l’évolution de celle-ci. «Notre entreprise québécoise a dépassé les 1 700 employés, c’est important qu’ils soient connectés avec notre histoire, savoir par exemple que c’est mon père qui a inventé le four à cuisson lente du poulet pendant 3 heures», raconte-t-il.

Des événements rassembleurs sont aussi organisés annuellement pour favoriser la proximité et la cohésion entre employés. «Cet été, par exemple, nous avons créé des olympiades où les employés ont pu mettre de l’avant leur savoir-faire de rôtisseurs dans des épreuves loufoques», illustre-t-il.

De plus, depuis 2014, des efforts accrus sont déployés en formation continue auprès des cadres supérieurs, gérants et chefs caissiers pour en faire de meilleurs leaders et leur offrir les outils adéquats pour se perfectionner.

Yves Benny estime d’ailleurs qu’il faut mettre autant sinon plus d’efforts dans le recrutement et la formation du personnel que dans d’autres aspects de l’entreprise. «Lorsque les employés sont bien sélectionnés, les résultats sont probants.»

S’adapter aux nouvelles générations

La dernière campagne de recrutement lancée en début d’année sur les réseaux sociaux, en collaboration avec l'agence Ogilvy, s’adressait particulièrement à la nouvelle génération et aux étudiants, qui composent 30% de la main-d’œuvre de Benny&Co.

dernière campagne de recrutement de benny&co., signée par ogilvy, qui misait notamment sur le voyage, un avantage offert par la bannière

Une offensive qui a permis d’amasser 13 000 CV dans la dernière année. Une aide considérable quand on sait que la bannière s’est fixé un objectif de croissance d’environ 6 à 8 restaurants par an, obligeant l’embauche de 250 employés annuellement, en contexte de pénurie de main-d’œuvre dans certaines régions.

C'est ainsi que Benny&Co. a récemment lancé un programme de bourses d’études, mais aussi une bourse de voyage.

«Il faut savoir s’adapter à la nouvelle réalité et offrir des congés ou des horaires flexibles, par exemple, pendant les périodes d’examens», affirme Yves Benny.

Les gérants sont formés pour comprendre cet aspect et aussi pour offrir aux employés plus de polyvalence. «Autrefois, un employé qui travaillait en cuisine ne se voyait pas prêter main-forte au service à la clientèle, tandis que maintenant, les employés sont formés pour divers postes.»

La troisième génération de la famille Benny permet également à l’entreprise de faire évoluer son approche au fil du temps. «Ils ont dans la vingtaine et la trentaine et comme ils sont plus près des opérations, on les écoute pour élaborer les différentes stratégies liées aux ressources humaines», dit Yves Benny.

Photo: gracieuseté de Benny&Co.