La semaine de 4 jours, un mirage?

Ivana Markovic

osedea

Chez Osedea, l'idée de proposer une semaine de 4 jours à ses employés est née après avoir vu une entreprise de Nouvelle-Zélande mettre en place cette initiative. Une inspiration malgré un modèle d'affaires bien différent de celui de la société néo-zélandaise: «Celle-ci vendait un produit tandis que nous sommes une entreprise de services. De fait, avec une journée en moins, on essuie une perte puisqu’on ne facture nos services aux clients que lorsqu'on travaille sur leurs projets», explique Ivana Markovic, responsable de la culture et des talents à Osedea.

L'entreprise, qui compte une trentaine d'employés, a tout de même tenté le coup, croyant à l'importance d'offrir un milieu de travail agréable et attirant pour les employés et les candidats potentiels. «C'est d'autant plus important dans notre milieu, où il est difficile de trouver les bons profils, sans compter la difficulté à garder les nouvelles générations qui aiment changer de travail, même s'ils sont heureux», affirme-t-elle.

Osedea a donc lancé un projet pilote en novembre 2018 en tentant d’adapter la formule, c’est-à-dire 4 jours 1 semaine sur 2, rémunérée sur la base de cinq jours. «Chaque semaine, ça aurait été une perte financière trop significative à assumer», souligne Ivana Markovic. 

«Lorsqu’un congé est combiné avec le week-end, on n’en bénéficie pas autant d’un point de vue d’efficacité.»

Les employés pouvaient ainsi choisir entre le mardi, mercredi et jeudi. Pourquoi pas les lundis et les vendredis? «L’objectif n’était pas d’offrir un long week-end, mais une journée dans la semaine qui servirait de moment pour se reposer, rattraper des tâches personnelles et se ré-énergiser pour finir la semaine en force, affirme-t-elle. Par expérience, lorsqu’un congé est combiné avec le week-end, on n’en bénéficie pas autant d’un point de vue d’efficacité.»

Les indices de niveau de bonheur, d’engagement et de satisfaction sont passés de 5 à 15% en 3 mois, pour s'établir à au-delà de 8,5 sur 10. 

L’expérience s’est échelonnée sur 12 semaines au bout desquelles l’entreprise a mené un sondage pour prendre le pouls des employés, à l’aide de l’outil OfficeVibe. Ainsi, les indices de niveau de bonheur, d’engagement et de satisfaction sont passés de 5 à 15% en 3 mois, pour s'établir à au-delà de 8,5 sur 10. «C’est impressionnant, parce qu’en période hivernale, on voit normalement ces métriques diminuer en raison du manque de lumière et du temps plus froid.»

De plus, 96% des membres de l’équipe souhaitaient voir cet avantage devenir permanent. Ils ont mentionné se sentir moins stressés et plus motivés.

«70% de l'équipe préfère la semaine de 4 jours à une augmentation salariale de 10%.»

Osedea a aussi confirmé son hypothèse selon laquelle ses employés valorisaient davantage le temps que l’argent. «Nous leur avons demandé ce qu’ils préféreraient entre la semaine de 4 jours chaque 2 semaines ou une augmentation salariale de 10%, souligne Ivana Markovic. 70% de l’équipe a choisi la semaine de 4 jours. Une personne a même mentionné qu’elle accepterait une baisse salariale pour celle-ci.»

Un nouveau projet pilote mieux adapté aux réalités de l'entreprise

Malgré les bons résultats obtenus, tout n’était pas rose non plus. En effet, l’organisation des horaires entre collègues s’est révélée plus difficile, notamment pour les rencontres, comme chacun ne s’absentait pas la même journée. Par ailleurs, certains communiquaient moins bien leur indisponibilité, rendant la communication plus chaotique avec les clients.

une partie de l'équipe d'osedea, en septembre 2018

C’est dans ce contexte qu’Osedea a décidé de lancer un autre projet pilote, mais cette fois avec différents paramètres. Maintenant, la moitié du bureau est en congé le mercredi et l’autre moitié le mercredi suivant. «Ce changement a conduit à un avantage auquel on ne s’attendait pas: la journée où une partie des employés est absente change la dynamique au travail de ceux au bureau, qui jouissent d’une journée plus calme et plus productive», mentionne-t-elle. Cette journée fixe permet de mieux coordonner les rencontres.

«Le succès de la démarche repose sur des essais.»

Le projet pilote prenait fin la semaine du 15 juillet. «Nous allons mener encore un autre sondage et probablement le promouvoir à temps plein si nous obtenons d’aussi bons résultats, souligne-t-elle. Comme tous ne valorisent pas la même chose, on regarde aussi pour un format souple qui permettrait à chacun de choisir entre l’augmentation salariale et la journée de congé.»

Le succès de la démarche repose selon elle sur les essais. «Chaque entreprise est différente, il faut trouver la meilleure formule pour son type d’organisation, mais aussi pour son équipe et ne pas hésiter d'essayer différents modèles», recommande-t-elle.

Photo: Curtis MacNewton sur Unplash.

Chez Ubisoft, quelle place accordez-vous aux avantages sociaux?

cédric orvoine

ubisoft

Nous y accordons la plus grande importance. Les avantages sociaux font partie de l’offre de rémunération globale. Chez Ubisoft, nous souhaitons dépasser les standards qu’on trouve aujourd’hui sur le marché, mais aussi aller au-delà du flashy, de l’effet de mode.

Aujourd’hui, les avantages sociaux sont recherchés par les candidats. Ces derniers veulent une vraie expérience de travail et leurs demandes vont plus loin que le salaire ou les bonifications. Chez Ubisoft, les avantages répondent aux différentes préoccupations de nos employés: la santé financière (salaire, bonifications, primes, retraite…), la santé physique (clinique médicale, gym, nutritionniste…), la santé psychologique (ergothérapie) et la santé sociale (vie culturelle, activités diverses…).

Selon vous, les avantages sociaux jouent-ils un rôle important dans l’embauche des nouveaux talents?

«L’impact premier des avantages sociaux se mesure plus à la rétention qu’à l’attraction.»

L’impact premier des avantages sociaux se mesure plus à la rétention qu’à l’attraction. Nos employés accordent énormément de valeur aux avantages et sont pleinement conscients que ces derniers ne sont pas offerts dans d’autres organisations. C’est un différentiateur qui a un impact très positif. Au niveau du recrutement, cette offre est évidemment présentée aux candidats mais tant qu’ils ne l’ont pas vécu, ils n’ont pas le même attachement. Quand les gens prennent la pleine mesure du quotidien à l’intérieur des murs d’Ubisoft, ils réalisent les bénéfices de nos avantages sociaux.

Quel est le processus dans l’élaboration des avantages sociaux d’Ubisoft?

«La direction est très présente, très connectée et à l’écoute des préoccupations des employés.»

C’est à la fois des consultations auprès des employés, des réflexions internes et externes. Ubisoft s’est installé à Montréal en 1997 et nous connaissons bien l’environnement professionnel. En interne, nous discutons énormément avec nos employés, notamment via des sondages. C’est un exercice de RH de proximité. La direction est très présente, très connectée et à l’écoute des préoccupations des employés. Grâce à différentes données, nous réfléchissons et mettons en place des programmes qui répondent à des besoins. Évidemment, nous regardons ce qui se fait ailleurs, mais notre positionnement est d’être en avance sur le marché, et nous cherchons plus à innover plutôt qu’à suivre.

Vous disposez de plusieurs programmes en lien avec la santé de vos employés, comme un gym ou encore une clinique interne. Pourquoi ce choix?

«La santé physique suit la même logique que la santé financière.»

Aujourd’hui, la moyenne d’âge des employés d’Ubisoft est de 36 ans. Ces derniers ont des préoccupations différentes et ne cherchent pas simplement à participer à des 5 à 7 ou disposer d’un babyfoot. Nous avons identifié que la santé était un facteur d’importance dans la vie d’un employé d’Ubisoft.

Initialement, notre clinique était ouverte deux demi-journées par semaine. L’objectif était de permettre à nos employés ayant un souci de santé d’avoir un accès rapide à un professionnel de santé. Aujourd’hui, ce service s’est bonifié. Le service est ouvert 5 jours sur 5 pour les employés et leurs familles. Nous proposons également des consultations virtuelles.

Il est clair qu’un employé en bonne santé est plus performant au travail. Nous avons de bons résultats, moins d’absentéisme et la qualité de vie de nos employés est bonne. La santé physique suit la même logique que la santé financière. Des études démontrent qu’une personne qui vit une situation financière stressante est moins performante au travail et est en moins bonne santé.

Quelles sont les spécificités de l’environnement de travail chez Ubisoft?

«nous valorisons énormément l’entrepreneuriat de nos employés.»

Notre organisation est guidée par le succès, collectif et individuel. Cette réussite nourrit nos employés qui sont fiers de contribuer au rayonnement de l’entreprise. Ubisoft est aussi axé sur la collaboration. Nous laissons beaucoup de place à l’initiative, l’autonomie, la prise de risque. Cette philosophie transparaît dans notre gestion et dans l’organisation des projets. Il n’y a pas de modèle imposé. Au contraire, nous valorisons énormément l’entrepreneuriat de nos employés.

Quel conseil donneriez-vous à une entreprise qui souhaite de démarquer sur le terrain des avantages sociaux?

«Le plus important, c’est l’adéquation entre la réalité de l’organisation et les avantages qui sont proposés.»

Le plus important, c’est l’adéquation entre la réalité de l’organisation et les avantages qui sont proposés. Ils doivent refléter la personnalité, la réalité et les valeurs de l’entreprise. Cela semble évident, mais trop souvent les avantages sociaux sont calqués sur ce qui se fait ailleurs. Il ne faut pas oublier que les avantages sociaux sont aussi des investissements, et si ces derniers ne sont pas valorisés par les employés, l’argent est gaspillé. Il faut s’assurer de l’adéquation entre les besoins et les valeurs de l’entreprise.

Photo en couverture: les bureaux d'Ubisoft Montréal par Dominick Gravel