Imaginez-vous il y a plusieurs milliers d’années, bien avant l’avènement de l’écriture. L’Ancien de votre tribu évoque l’histoire d’une divinité du ciel qui pleure parfois son amant disparu. Ainsi expliquait-on la pluie et qu’est né le storytelling.
Si le storytelling ne date pas d’hier et qu’il est même pratiqué dans les traditions orales et les peintures rupestres depuis la préhistoire, il prouve encore de nos jours toute sa pertinence en communication, marketing, gestion, divertissement, et plus encore! Le Sommet création de contenu en collaboration avec URBANIA, qui a eu lieu le 15 mai dernier, a réuni des expert·es du milieu des médias, de la télévision et des réseaux sociaux pour discuter des révolutions marquées dans ce domaine et des multiples occasions à saisir pour les marques.
Nous verrons dans les prochaines lignes que la création de contenu trouve tout son sens à travers le storytelling qui, lui, s’apprête à presque toutes les sauces, à condition, bien sûr, de servir le bon plat à la bonne personne.
À une époque où toute chose évolue à une vitesse vertigineuse, le storytelling peut être un moyen à privilégier pour se reconnecter ou se connecter aux audiences ciblées. À travers trois adaptations différentes, voici comment le Théâtre Duceppe, Clark Influence et Loto-Québec ont su en faire bon usage pour créer des liens avec leurs communautés.
Le Sommet a exploré les nouvelles formes de créativité et l’adaptation aux audiences modernes, entre autres, à travers la métamorphose du Théâtre Duceppe. L’institution datant de 1967 s’est en effet vue confrontée à une perte de vitesse il y a quelques années. Il fallait agir! Amélie Duceppe, directrice générale, et son équipe ont alors fait le pari de prendre un nouveau virage artistique plus audacieux et plus proche du ressenti des citoyens.
« Nous souhaitions démocratiser le théâtre et raconter des histoires qui nous interpellent en tant que citoyens et citoyennes. Il fallait s’actualiser artistiquement. »
– Amélie Duceppe, directrice générale, Théâtre Duceppe.
« L’ouverture était notre valeur motrice dans ce changement. »
– Jean-Simon Traversy, metteur en scène et co-directeur artistique, Théâtre Duceppe.
Jean-Simon Traversy a ajouté que leur nouveau modèle d’affaires a beaucoup évolué avec cette métamorphose. Les cycles de création ont été allongés et l’équipe s’est dotée d’un nouvel espace, a fait plus de laboratoires et a effectué plus de recherches. Ces laboratoires permettent d’approfondir les concepts, de prendre le temps qu’il faut et d’offrir un contenu plus travaillé à une audience en quête de nouveauté.
Dans un tout autre univers, celui des réseaux sociaux, Clark Influence a également reconnu la nécessité de travailler ce concept de nouveauté pour rejoindre les internautes. Alors que l’attention de ces derniers est d’environ 4 secondes, les médias doivent aujourd’hui faire preuve de prouesses créatives pour « éviter d’être zappés ». Certains ont donc emboîté le pas aux Lele Pons, Justin Bieber et Jérôme Jarre de ce monde qui ont su exploiter cette attention restreinte grâce aux vidéos en format court.
Selon Vincent Bronner, directeur général chez Clark Influence, les vidéos courtes sont peut-être finalement une nouvelle forme de créativité qui permet de véhiculer le bon storytelling plutôt que la pente descendante d’une culture du zapping abrutissante.
Après nous avoir régalé·es d’une multitude d’exemples de vidéos courtes engageantes, Vincent Bronner a donné ces quelques conseils pour avoir du succès avec ce format :
La plateforme Twitch reste un territoire numérique encore peu exploité pour ceux et celles qui maîtrisent l’art du storytelling. En effet, surtout occupée pour le moment par les joueur·euses de jeux vidéo de 24 et 35 ans, la plateforme connaît pourtant une popularité croissante. Son contenu varié, son interactivité élevée et son caractère participatif en font une occasion en or pour créer des liens avec les publics.
L’utilisation de Twitch par des marques offrant différents produits et services pourrait même être une occasion unique de se démarquer dans cet univers, qui propose pour l’instant surtout du contenu de jeux vidéo. Patrick Healey de Loto-Québec met toutefois en garde : « Ce n’est pas un média pour faire la promotion de produits, mais plutôt pour connecter avec la communauté. »
La consommation de contenu est actuellement en plein paradoxe. Pourquoi? Parce que si les plateformes sociales se multiplient, les internautes deviennent aussi plus sélectifs quant au contenu qu’ils consultent. On observe même une baisse du temps passé sur les réseaux sociaux, alors comment engager dans un monde qui tend à se déconnecter?
Le défi de déconnexion n’est en effet pas le seul revers qu’ont dû encaisser les marques, et particulièrement les médias, ces dernières années. Au lendemain des répercussions de la Loi C-18, le réveil est difficile et un goût amer pousse plusieurs à trouver des solutions pour ne plus se retrouver dans cette position.
Harold Beaulieu, directeur de création, et Sophie Desbiens, directrice marketing et communication, ont exposé le cheminement d’URBANIA face à ce double défi. Il fallait cesser de regarder en arrière, lorsque tout semblait si facile, et s’aventurer vers l’horizon, vers l’inconnu. Là se trouvait la solution à la diversification des canaux et à l’indépendance médiatique.
« L’indépendance commence par le développement de son réseau de distribution, vers des canaux qui sont plus alternatifs, plus directs vers nos audiences. »
– Sophie Desbiens
Cette réorientation a également permis de reconsidérer l’engagement. Pas l’engagement d’une fois, d’un like ou d’un commentaire, mais de l’engagement significatif s’appuyant sur la fréquence, le temps passé sur du contenu et la fidélisation :
Le storytelling trouve également sa pertinence pour ceux et celles qui veulent exercer leur leadership. Claire Bouchard de La Presse a souligné qu’il est même crucial pour mobiliser efficacement les équipes. « Les histoires renforcent les concepts abstraits et simplifient les messages complexes. Les histoires sont plus mémorables que les faits », a-t-elle expliqué.
N’est-ce pas grâce au storytelling que les gens ont pu accorder leur attention et même leur affection à des personnalités comme René Lévesque, Oprah ou Yvon Deschamps?
Ces leaders passés maîtres dans l’art du storytelling savent et savaient :
Bien des gestionnaires assument souvent à tort que leurs équipes savent pourquoi elles font ce qu’elles font. Et c’est là où le bât blesse. Le storytelling est une solution créative pour embrasser sa vulnérabilité, être plus authentique et donner un sens plus grand aux actions pour inspirer les équipes.
Maîtrisant, lui, un storytelling un brin plus débridé, François Daigle « The Eagle » Bérubé (FDB de son petit nom) s’inscrit dans cette lignée de raconteur·euses d’histoires qui engagent, qui suscitent des émotions. Ainsi, simplement en détaillant son diagnostic du 20 février 2013 en tant que personne synesthète, il a su capter l’auditoire de plus de 250 personnes lors du Sommet création de contenu. C’était là une démonstration simple et pourtant efficace d’un storytelling répondant à 5 critères de base :
Depuis son avènement, il était évident que l’intelligence artificielle deviendrait un outil indispensable dans la création de contenu et le storytelling. Au-delà des critiques liées à l’IA et l’importance de l’adaptation et des ajustements nécessaires pour son intégration dans les organisations, Chloé Sondervorst de Radio-Canada nous a rappelé que quoi qu’il en soit, même avec les outils d’intelligence artificielle, la démarche humaine est centrale. Car après tout, qui de mieux que nous-même pour imaginer des histoires authentiques teintées de vécu unique?
Même si le storytelling entre dans une nouvelle ère, ses fondements restent ancrés dans la tradition qui, par ailleurs, prouve bien toute sa pertinence au fil du temps et des domaines :
Et pour vous? Quelle place prend le storytelling dans votre organisation?