07 Sep 2023 Diversité et inclusion
La discrimination en milieu de travail peut emprunter différentes formes ou visages. Plus que jamais, les employeurs et responsables RH doivent être à l’affût de la portée de certains gestes, actions ou propos qui visent à exclure consciemment ou non, une personne.
Explorez les pistes de vigilance d’Annie Bourque, rédactrice de contenu chez Pratiques RH.
Dès la création d’un poste et jusqu’à l’embauche, toute question liée à l’âge, l’orientation sexuelle, la grossesse ou l’origine ethnique doit être exclue, car il s’agit de motifs discriminatoires, selon la Charte québécoise des droits et libertés.
En 2021-22, 35 % de l’ensemble des plaintes reçues à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sont étroitement liées au monde du travail.
Les plaintes portent sur la nationalité, l’origine ethnique, la langue, l’orientation sexuelle, le handicap ou la religion. Pour qu’une plainte soit admise, il doit y avoir préjudice.
Récemment, le formulaire d’une compagnie montréalaise demandait à quelqu’un :
« L’employeur·euse doit démontrer que cette question est directement liée au poste occupé par la personne. Sinon cela peut devenir un enjeu de discrimination », explique Geneviève Dorais-Beauregard, directrice de l’éducation-coopération et des communications à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).
Même chose lors du processus d’entrevue. Une personne du comité de sélection pose la question suivante :
« Ce n’est pas utile au poste. Si on demande de quel pays, tu viens, alors que la personne est née au Québec, on peut faire sentir à l’autre que même si elle est née au Québec, elle n’est pas 100 % québécoise. Il faut se mettre dans la peau ce celui ou celle qui reçoit cette question-là », ajoute la porte-parole de la CDPDJ.
Mme Dorais-Beauregard précise que toute interrogation exprimée oralement ou par écrit, doit être liée au poste. « Dans le cas contraire, abstenez-vous. En réalité, la personne s’attend à ce qu’on évalue ses compétences. Si ce n’est pas le cas, cette dernière peut même déposer une plainte. »
Les professionnel·les prennent de plus en plus conscience du phénomène de « micro-agression » soit une parole, d’apparence banale pouvant être perçue comme blessante ou offensante, généralement dirigée vers une personne issue d’un groupe minoritaire. Sous le signe de l’humour, le propos peut sembler inoffensif pour un·e observateur·trice. Toutefois, il est souvent considéré comme une forme de racisme dissimulé.
Voici un exemple. Une personne reçoit des remarques régulières sur ses cheveux. « Cette dernière peut subir la même remarque à maintes reprises durant une semaine. On lui sous-entend qu’elle est différente. Nous n’avons pas à signifier à aucun de nos collègues qu’ils sont différents », dit Mme Dorais-Beauregard, porte-parole de la CDPDJ.
En 2021-2022, 4% des plaintes dans le milieu de l’emploi à la CDPJQ concernent l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Un homme travaille dans un entrepôt d’une compagnie. À plusieurs reprises, un collègue de travail lui fait de nombreux commentaires offensants en lien avec son orientation sexuelle.
La victime, se disant profondément blessée et insultée par les propos, porte plainte à la CDPDJ. À la suite d’une enquête, la cause a été entendue par un juge du Tribunal des droits de la personne.
« Le juge a notamment pris en compte que les paroles ont été prononcées en présence d’autres employé·es devant lesquelles, le plaignant devait maintenir sa crédibilité et son autorité au travail», a précisé Me Longval.
De plus, ces commentaires ont été dits régulièrement sur une longue période et cette conduite était non désirée. En rendant sa décision, le magistrat a précisé que le comportement du défendeur constituait du harcèlement discriminatoire, fondé sur l’orientation sexuelle. « La Cour rappelle qu’on ne peut pas utiliser l’humour comme prétexte pour justifier une conduite discriminatoire », ajoute l’avocate de chez Fasken.
Le Tribunal a donc condamné le collègue de travail fautif à payer au plaignant une somme totale de 5 000$, soit 4 000 $ à titre de dommages moraux et 1 000 $ à titre de dommages punitifs.
Dans le monde de l’emploi, les étudiant·es sont parfois victimes de comportements abusifs.
Une telle situation survient principalement en période estivale alors que de nombreux employeurs les embauchent afin de remplacer le personnel en vacances.
Il est important de se rappeler qu’un·e employeur·euse ne peut pas discriminer quelqu’un sur la base du statut d’étudiant. « En effet, généralement, on ne peut pas accorder un salaire moindre aux étudiant·es si ceux-ci accomplissent un travail équivalent à celui du personnel régulier », explique Florence Longval, avocate chez Fasken.
S’il est prouvé qu’un·e étudiant·e reçoit un traitement moindre, l’employeur·euse risque de lui verser une compensation salariale et même une indemnité pour dommages moraux.
En 2021-2022, sur l’ensemble des plaintes liées au secteur du travail à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, 6 % d’entre elles étaient liées à la grossesse et au congé de maternité.
Voici l’exemple d’une avocate enceinte qui tente d’obtenir un emploi. Durant l’entrevue de sélection, quelqu’un lui demande :
La future mère n’a pas obtenu le poste et a porté sa cause devant le Tribunal des droits de la personne. En réalité, le fait de poser une telle question est inapproprié pendant une entrevue de sélection, a décrété le juge ajoutant que dans ce cas, la grossesse de la plaignante a été un facteur dans l’exclusion de la candidate.
La jeune femme a été ainsi victime de discrimination. « La manière la plus adéquate d’y remédier est de lui attribuer l’emploi », a conclu le juge.
Dans une autre cause, un hôtel de la Rive-Sud de Montréal a été condamné par le Tribunal des droits de la personne à verser des dommages totalisant 18 140 $ à une femme qui a été congédiée parce qu’elle était enceinte.
Il est important aussi de préciser qu’au retour du congé de maternité, l’employée doit occuper le même poste avec le même salaire. La Charte québécoise des droits et libertés interdit d’offrir un emploi moins intéressant et moins bien rémunéré à la mère qui revient au travail après plusieurs mois d’absence.
Dans le monde, 800 millions d’adultes et 124 millions de jeunes souffrent d’obésité. Au Québec, l’obésité a doublé depuis 25 ans : 1 personne sur 5 en est atteinte, selon l’Institut national de santé publique.
Sur le marché du travail, plusieurs personnes en surplus de poids sont victimes de discrimination. Elles font face à des perceptions erronées, stéréotypées et subjectives.
Voici le cas d’un homme qui souhaite obtenir un emploi de technicien au sein d’une entreprise. À la suite d’une entrevue d’embauche, il est invité à subir un examen médical dans une clinique.
Plus tard, l’employeur reçoit le certificat médical contenant plusieurs renseignements médicaux dont l’analyse de sang, urine avec la mention : obésité morbide.
Le jeune homme a porté plainte à la Commission des droits de la personne attestant que sa candidature n’avait pas été retenue en raison de son handicap, soit l’obésité morbide.
De son côté, l’employeur a mentionné que le refus d’embauche n’était pas lié aux examens médicaux. « Toutefois, dans cette décision, le Tribunal a conclu que les questions posées et les renseignements obtenus par la clinique, mandataire de l’employeur·euse, étaient trop vastes », explique Me Florence Longval.
« Le seul fait pour la clinique de tenir compte de l’obésité morbide a suffi pour générer la responsabilité. Dans cette décision, cet état de santé n’était aucunement lié à la capacité du plaignant d’occuper l’emploi », ajoute l’avocate en citant le jugement.
Dans ce cas-ci, le Tribunal a condamné l’employeur·euse à payer une indemnité de 2000 $, à titre de dommages moraux en raison de la violation de l’article 18.1 de la Charte des droits et libertés.
« Cela signifie que dans un processus d’embauche, par exemple, on ne peut pas poser des questions liées aux motifs de discrimination protégés par la Charte, dont la grossesse, l’orientation sexuelle, le handicap, l’origine sauf si ces questions visent à obtenir des réponses portant exclusivement sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi au sens de l’article 20 de la Charte des droits et libertés », conclut Me Florence Longval.
Des recherches de l’Université Laval montrent que les entretiens d’embauche non structurés sont souvent peu fiables pour évaluer les candidat·es.
Il est recommandé de poser les mêmes questions aux candidat·es. Cela permet ainsi de se concentrer sur des critères objectifs et de minimiser les biais inconscients.
Un biais inconscient est un préjugé en faveur ou à l’encontre d’une personne, d’un groupe ou d’une idée qui sont influencés par de multiples facteurs tels que l’apparence physique, l’âge, l’origine ethnique, le genre, les capacités physiques et mentales ou encore la religion.
✔ En entrevue de sélection, les mêmes critères d’évaluation sont employés pour les candidat·es
✔ Écrire et dire nos objectifs en matière, d’équité, diversité et inclusion envers toutes les personnes.
✔ Lors de l’évaluation d’un·e candidat·e ou de nos rencontres avec quelqu’un de différent, interrogez vos jugements, biais ou préjugés.
✔ Les un·es envers les autres, on fait preuve de courtoisie, respect et ouverture d’esprit.
Au moment où le milieu de l’emploi s’ouvre à la diversité, de plus en plus d’employeur·euses adoptent des pratiques valorisant l’intégration, l’ouverture, la tolérance. La solution, instaurer un environnement sain empreint de respect et exempt de discrimination ou harcèlement.