Alain Giguère est président de la maison de sondage CROP. Cet expert d’expérience peut lire dans les statistiques. C’est pourquoi les Formations Infopresse se sont entretenues avec lui pour connaître les grands courants qui marqueront 2022. Que peut-on prévoir des comportements des consommateurs? Alain Giguère nous aide à y voir plus clair.
1. Le plaisir de consommer
« Le plaisir de consommer d’avant la pandémie est là, on y aspire, mais on reste sur nos gardes! On sent beaucoup d’incertitudes. La consommation est axée sur la prudence et sur les besoins essentiels. Cette façon d’acheter a un impact majeur sur la façon de faire du marketing. Avant on pouvait privilégier un discours du genre faites-vous plaisir », explique Alain Giguère. Aujourd’hui, on voit surgir des stratégies comme celle de Patagonia qui recommande de ne pas acheter si ce n’est pas essentiel. Ils proposent des conseils pour réparer leur marchandise. C’est une bonne stratégie pour connecter avec sa clientèle. On ne peut pas forcer les gens en poussant des discours dans la bouche. « On est pour un bout de temps dans un mouvement de prudence qui s’étire. Je pense que les marques doivent accompagner les consommateurs dans ce mouvement de prudence », ajoute-t-il.
2. La perte de contrôle
Après la crise financière amorcée vers 2008, un sentiment croissant de perte de contrôle sur nos vies s’opérait chez les gens. Comme si la crise avait nourri l’impression que la vie avait changé et qu’ils [les gens] avaient de moins en moins la possibilité de diriger leur vie. Mais alors, on a vu surgir la pandémie.
« Depuis l’arrivée de la COVID-19, les marqueurs indiquent une baisse de ce sentiment. Comme si la crise sanitaire avait forcé la population à se ressaisir. Plutôt que de laisser aller leur imagination à imaginer le pire, ils doivent faire face à une crise réelle. On a vu les gens affronter la pandémie avec beaucoup de résilience. Ce sentiment de perte de contrôle pourrait revenir après la COVID. Ça ouvre la porte à une opportunité pour les marques de soutenir leurs clients dans leur sentiment de perte de contrôle. Ils peuvent les aider à contrôler au moins leur domaine d’expertise. Avec les applications, par exemple, il y a une tendance lourde avec les applications qui cherchent à soutenir les gens », ajoute le président de CROP. Que ce soit pour les aider dans la gestion de leurs finances, leur alimentation, l’activité physique, de plus en plus d’applications cherchent à redonner au consommateur un sentiment d’autonomie. « Ces outils servent aussi à fidéliser sa clientèle. Il y a là une formidable opportunité pour les marques. »
3. Une tendance qui étonne
Les sondages semblent révéler une baisse de l’engagement écologique et social depuis 2020. Cette tendance est souvent liée aux crises. Lorsque les gens ne se sentent pas en sécurité, ils priorisent la prudence économique. « Depuis la pandémie, on note une baisse d’engagement », explique l’expert. « Au cours des derniers mois, on a vu des pronostics économiques positifs malgré la pandémie et ses nouveaux variants. On annonce que l’économie va bien. On pourrait donc voir une hausse de l’engagement au cours de la prochaine année. »
Les gens souhaitent faire affaire avec des marques qui sont de bons citoyens corporatifs. Mais ils ignorent comment faire. Les entreprises peuvent y trouver l’opportunité de convier leurs clients à un mouvement commun. Une marque peut proposer un projet en contribuant à cette cause et en invitant sa clientèle de s’y joindre. C’est une façon d’offrir aux gens un sentiment d’action tout en fidélisant sa clientèle et en faisant des gestes concrets pour une cause. Cette tendance serait cependant plus favorable à l’écologie qu’à l’engagement social.
4. Le déclin du voisin gonflable
Il est question ici de phénomène socioculturel. Les sociétés occidentales se sont bâties culturellement par l’idée de dépassement, de croissance, d’ascension sociale. Pendant de nombreuses années, on a vu les gens chercher à se définir par la taille de leur maison et le choix de leur voiture. Cette réalité semble refléter un besoin fondamental d’être admiré et de susciter l’envie des pairs.
Depuis dix ans, ce besoin d’être admiré est en chute libre. « Les rapports qu’on entretient avec les autres sont de moins en moins teintés par le besoin de prouver qu’on a réussi et est plutôt remplacé par un besoin d’authenticité. On souhaite exprimer qui l’on est réellement à partir de notre unicité et s’affranchir de la pression sociale d’admiration. Il y a là une opportunité pour les marques. Les consommateurs veulent des entreprises qui sont vraies, qui nous racontent leur histoire, qui ont des mythes fondateurs forts. » Si vous êtes une entreprise surtout appréciée pour son prestige, vous devez être prudent à l’avenir. On peut penser à des marques de luxe qui focalisent sur l’artisanat de leur confection et la tradition de ces pratiques, plutôt que sur le symbole de succès qui vient avec la marque.
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Alain Giguère est conférencier chez Formations Infopresse. Il a participé au RDV Marketing: retour à l’essentiel et au Sommet formation: développez le potentiel et les compétences de votre équipe.