Au cours de vos entretiens, avez-vous constaté un trait commun ou une caractéristique partagée par tous les leaders que vous avez rencontrés?
Il n’y a pas de recette toute faite, et il n’existe pas de «portrait type» du leader. Néanmoins, au cours de mes entretiens, j’ai dégagé quelques traits communs. D’une part, toutes ces personnes travaillent beaucoup. C’est la première qualité d’un leader: ne pas compter ses heures. Pour beaucoup, il est même essentiel de marier vie professionnelle et personnelle et de sortir de la logique du travail «de 9 à 5». Les idées naissent à n’importe quel moment, derrière un bureau, mais aussi à la maison.
Le deuxième trait commun, c’est la passion pour ce qu’ils font. Cette notion est essentielle pour être un leader inspirant. Ces gens ont la conviction qu’ils ont raison de faire ce qu’ils font, et surtout ils y croient.
Enfin, j’ai été marqué par l’émotion que transmettaient tous ces leaders. Derrière la force et la conviction qu’ils démontrent, ils laissent une place à cette émotion nourrie depuis l’enfance, et n’oublient pas les choix parfois difficiles qu’ils ont eu à faire.
Est-ce que chaque personne est prédestinée à devenir un leader?
«Un leader n'est pas forcément un PDG.»
Je ne pense pas. Être un leader demande plusieurs qualités comme l’empathie, une certaine forme de charisme, beaucoup de conviction et du courage. Il faut des qualités de cœur et de tête. Je constate également qu’un leader n’est pas forcément la première personne hiérarchique ou un PDG. Il est plus que cela: il rassemble, il convainc, il guide même lorsque ça va mal.
Une des plus grandes qualités que doit avoir un leader est d’être juste, franc et honnête. Lorsqu’une personne rassemble ces traits de caractère, on a envie d’être avec lui et de le suivre.
A contrario, quel est le défaut que ne doit pas avoir un leader?
Parmi tous les leaders que j’ai rencontrés, aucun n’a pensé à abandonner. Plusieurs ont décidé de changer d’idée, mais l’idée d’abandonner est trop difficile.
Les leaders sont parfois impatients, et n’acceptent pas vraiment des défauts comme la paresse ou la fermeture d’esprit. Cela bloque inutilement l’avancée d’un projet.
En tant que leader, toutes les vérités sont-elles bonnes à dire?
«Un leader sait comment dire les choses, annoncer des bonnes ou mauvaises nouvelles.»
Non, je ne crois pas. La plupart des leaders politiques le savent d’ailleurs très bien. L’idée est de ne pas mentir, mais parfois sans dire toute la vérité. Néanmoins, les personnes les plus honnêtes, les plus franches, les plus authentiques, celles qui acceptent leurs erreurs et leurs échecs, sont les personnes qui gagnent le plus dans l’estime collective. Les gains sont nombreux lorsqu’on est vrai. Un leader sait qu’il y a une façon de dire les choses, d’annoncer certaines nouvelles, bonnes ou moins bonnes.
Un leader doit-il être dans la lumière, incarner une idée, ou au contraire s’effacer et laisser les autres s’exprimer?
C’est les deux. Il existe différentes formes de leadership. Certains leaders sont plus expressifs, plus lumineux, et d’autres sont des leaders de l’ombre, qui relèvent davantage du modèle et de l’exemple. Dans les deux cas, les leaders inspirent.
Tous les leaders s’entendent sur le fait qu’il faut une équipe. On ne peut pas réaliser un projet tout seul, sans experts ni travailleurs. «J’ai de l’influence, mais le pouvoir, c’est les employés qui l’ont», dit Sophie Brochu, présidente et chef de la direction d’Energir. Inverser la pyramide traditionnelle est une vision intéressante: si les employés ne croient pas au projet, on n’avance pas.
«On est ce qu’on est grâce aux autres, et on fait ce que l’on fait pour les autres. Il faut prendre du plaisir à parler avec les gens, à les encourager et à travailler avec eux. On n’est pas au sommet seul, mais avec les autres», analyse également Marc Dutil, président et chef de la direction de Canam. Les leaders pensent de manière collective.
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Le livre de Gérald Fillion De quoi sont faits nos leaders? est publié aux éditions Edito.
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Crédit photo: Bénédicte Brocard