Regard sur les tendances numériques à surveiller en 2020 et au-delà avec deux experts chez Radio-Canada: Maxime St-Pierre, directeur général des médias numériques, et Stéphane Caron, premier directeur, intelligence d’affaires aux médias numériques.
La décennie des données
«Au cours des dernières années, l’accès aux données a permis à l’industrie numérique de gagner en maturité», souligne d’entrée de jeu Maxime St-Pierre.
«La centralisation des données par les grands joueurs du web est une autre chose qui a défini la dernière décennie», ajoute pour sa part Stéphane Caron.
En effet, si le web de nos grands-parents était animé par des valeurs d’ouverture, de partage et de démocratisation de l’information, il faut bien reconnaître que les GAFAM de ce monde se sont peu à peu approprié les (nos) données, qu’elles jalousent et marchandent pour leur propre bénéfice.
Il aura même fallu encadrer un brin le dragage systématique des données des consommateurs. L’Union européenne a adopté en 2016 son Règlement général sur la protection des données (RGPD). En 2019, une mise à jour du navigateur d’Apple, Safari, a limité le potentiel publicitaire des cookies, et Chrome devraient emboîter le pas prochainement alors que c’est déjà fait pour Firefox.
« Avec ces récents mouvements du côté des navigateurs, l’hyperciblage publicitaire pourrait être un peu délaissé au profit de campagnes sur mesure avec une marque média en particulier, croit Stéphane Caron. C’est l’industrie de la programmatique qui pourrait en souffrir le plus.»
«On sent bien que le Klondike des données est passé, remarque Maxime St-Pierre. Les consommateurs veulent savoir comment leurs données sont utilisées, et nous devons les recueillir de façon plus responsable. C’est d’ailleurs ce que nous faisons à Radio-Canada en respectant les valeurs qui nous sont chères en tant que diffuseur public: l’intégrité, la transparence, la diversité des voix… »
2020: l’IA fait son coming-out
Osons une analogie entre l’ère des données et l’ère du pétrole…
Tous comme ces prospecteurs des années 1800 qui ont trouvé le moyen de pomper les nappes d’hydrocarbures, on a développé ces dernières années des moyens efficaces de recueillir des données. Et tout comme l’industrie pétrochimique a su inventer un million de débouchés pour l’or noir, l’intelligence artificielle saura raffiner cet or… dématérialisé!
«L’intelligence artificielle sera la couleur de la prochaine décennie»
«L’intelligence artificielle sera la couleur de la prochaine décennie», avance Maxime St-Pierre. « On explorera son potentiel autant pour améliorer l’expérience de l’usager, pour éclairer nos prises de décision ou tout simplement pour mieux opérer en interne», renchérit Stéphane Caron.
«On peut imaginer un algorithme pour récupérer et bonifier les métadonnées de notre patrimoine pour le faire découvrir encore mieux, donne en exemple Maxime St-Pierre. On automatiserait ainsi une tâche répétitive, ce qui permettrait à nos employés de se concentrer sur des choses où le cerveau humain a une valeur ajoutée. En fin de compte, l’objectif, c’est d’être encore meilleur. »
La décennie de l’IA apportera son lot de surprises, de grandes idées, mais aussi d’inconnus (et sans doute quelques ratés). « Cela dit, l’épine dorsale de tout ceci, ça reste les données, conclut Maxime St-Pierre. Et on sent un intérêt grandissant au sein de l’industrie numérique de travailler dans le respect et la confiance, pour éviter des scandales à la Cambridge Analytica. Radio-Canada est bien positionnée pour nourrir cette relation de confiance entre le diffuseur, l’annonceur et le consommateur. »
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En couverture: Joshua Sortino pour Unspash