Difficile de cerner avec exactitude le profil type d’un responsable du bonheur. Comme il n’existe pas encore de programmes d’études formels qui encadrent ce nouveau métier, le bagage d’expérience peut être éclectique.
C’est le cas de Gabriel Campeau, sociologue et agent de liaison de formation qui, après avoir lancé l’espace collaboratif Le Tableau Blanc en juin 2016, a acquis par le fait même une expertise sur le terrain en gestion d’espaces de bureaux, de services à la clientèle et d’expérience utilisateur.
«J’ai voulu en faire profiter les entreprises pour améliorer leurs milieux de travail, explique-t-il. Avec Coralie Cressent et Francine Campeau, il a ainsi mis sur pied CHO SVP, une entreprise de service spécialisée dans le placement des CHO en entreprise, l’acquisition, la formation en continu et l’accompagnement des CHO.
Des champs d’action multiples, un seul objectif
Peu importe quelle formation et quel titre on lui donne, le CHO est le porteur du flambeau du bonheur des employés, souligne Gabriel Campeau. «La totalité de ses tâches, ou la majorité s’il s’agit de petites équipes, sont axées sur la satisfaction des employés au travail, affirme-t-il. Il veille donc à prendre des mesures concrètes pour y arriver. L’exécution est vraiment le mot d’ordre dans ce rôle.»
Son champ d’action peut être très large: de l’alimentation, au transport, en passant par les communications internes, le design intérieur et l’événementiel.
«Une partie des tâches du CHO étaient auparavant réparties entre les différents membres de l’équipe des ressources humaines et des opérations.»
Dans de plus petites équipes, cette personne pourrait aussi se voir attribuer d’autres tâches, comme celles de gestion des ressources humaines, par exemple.
«En général, c’est un électron libre: il ne fait pas partie d’une équipe en particulier, mais fait le pont avec chacun des autres services de l’entreprise et tisse un lien privilégié avec tous les employés», ajoute-t-il.
Ainsi, s’il souhaite organiser une conférence pour le personnel, il n’aura d’autres choix que de consulter les ressources humaines pour s’assurer que ça n’entre pas en conflit avec les horaires de travail, notamment.
Mais avant les CHO, le bonheur existait-il en entreprise? «Une partie des tâches du CHO étaient auparavant réparties entre les différents membres de l’équipe des ressources humaines et des opérations: organisation du party de Noël, accueil des employés, gestion des stocks, etc.»,
Une grande partie de son quotidien repose sur sa disponibilité et de l’observation. Il arrive normalement tôt au travail pour accueillir les employés et voir la manière dont se déroule leur arrivée. «Les gens se rendent-il directement à la machine à café et y a-t-il une file d’attente, comment peut-on améliorer la situation?», donne-t-il en exemple. Parmi les compétences tacites qu’il doit posséder, on ajoute en général celle d’extraverti puisqu’il doit aller vers les autres pour prendre le pouls de leur satisfaction.
Pour bien faire son travail, le CHO doit aussi disposer d’un budget. «Il y a des limites à être sympathique, illustre-t-il. S’il a toujours les pieds et les mains liés, il ne pourra pas prendre les mesures nécessaires pour améliorer les choses et son rôle devient donc inutile. »
Au-delà des apparences
Certains présidents d’entreprise ont changé leur titre pour celui de chef du bonheur. Mais peut-on dire que ces derniers occupent 100% de leur temps à s’assurer de la satisfaction des employés ou est-ce une image que l’entreprise tente de projeter pour montrer qu’elle n’a pas de hiérarchie?
«Le poste requiert une personne qui évolue parmi les employés, mentionne Gabriel Campeau. Dans le cas où un patron aurait réellement l’état d’esprit pour remplir ce rôle, le métier de CHO repose beaucoup sur l’exécution et la mise en place d’initiatives qui prennent beaucoup de temps. S’il doit aussi s’occuper de l’administration de l’entreprise en plus, il n’arrivera pas à le faire efficacement.»
«Les organisations mobilisent généralement beaucoup de ressources pour le recrutement, mais peu en rétention et que c’est par rapport à cet aspect que le CHO intervient particulièrement.»
Il demeure qu’il y a un effet marketing recherché avec un tel titre, qui vise à véhiculer le message que l’entreprise est prête à payer un salaire pour le bonheur des employés. «C’est sûr que c’est également un argument de positionnement et d’acquisition de talents, ajoute-t-il. Mais au-delà du tape-à-l’œil, ça en est un de rétention.»
Il explique que les organisations mobilisent généralement beaucoup de ressources pour le recrutement, mais peu en rétention et que c’est par rapport à cet aspect que le CHO intervient particulièrement.
Comment évalue-t-on le bonheur semé?
Même le CHO doit être évalué. Les résultats de sa présence ne peuvent naturellement pas se faire sentir à son arrivée, mais après six mois, on peut déjà constater une différence dans la satisfaction des employés. C’est d’ailleurs le délai minimal que CHO SVP demande à ses clients lorsqu’ils déploient de tels directeurs chez leurs entreprises clientes.
«Lorsqu’il y a une crise majeure au sein de l’entreprise et que les employés quittent à pleine porte, les avantages prendront encore plus de temps à être vus: c’est une relation de confiance à bâtir au fil du temps.»
Cela fait d’ailleurs partie du travail du CHO de collecter des données pour mesurer les changements apportés. «Parmi les questions de sondage posées avant et après un projet, on peut demander aux employés s’ils recommanderaient à un ami de travailler pour l’entreprise, explique Gabriel Campeau. S'ils étaient 20% à répondre non au départ, et plus que 5% après un certain temps, c’est un signe que la situation s’est améliorée.» Plusieurs paramètres sont également à considérer: le taux d’absentéisme, les demandes de règlement aux assurances, la productivité, le taux de rétention, etc. «Cela diminue aussi le temps accordé à l’acquisition de talents et toute la formation qui vient avec celle-ci», soutient-il.
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Photo: design intérieur de l'espace collaboratif Le Tableau Blanc, fondé par Gabriel Campeau