Philanthropie: des apprentissages d'hier aux défis d'aujourd'hui

11 Nov 2019 Atypic

Par : catherine.martellini@infopresse.com
Philanthropie: des apprentissages d'hier aux défis d'aujourd'hui

Bon nombre d’organismes ont revu, parfois pour la première fois, leur positionnement depuis leur fondation dans les dernières années. On n’a qu’à penser à la nouvelle plateforme de marque de la Fondation CHU Saint-Justine ou la première campagne de notoriété de la Fondation de l’Hôpital général de Montréal.

pascal lépine

fondateur d'atypic

«On ne voyait pas cela auparavant, affirme Pascal Lépine, fondateur d’Atypic. La seule idée de changer le logo était souvent rejetée par les conseils d’administration des organismes préférant investir dans d’autres aspects que celui-ci.»

Jamais de l’histoire de ce secteur, au Québec comme ailleurs, les organismes ont eu autant besoin de se différencier.

Selon l’étude de l’Institut Mallet, sur les 60 000 organismes sans but lucratif (OSBL)* au Québec, on dénombrerait 16 500 organismes de bienfaisance, dont près de 15 000 sont des œuvres de bienfaisance et un peu plus de 2 000 sont des fondations. De plus, sur ces 16 500 organismes, seule une poignée d’entre eux se partagent les dons de la population québécoise.

Un nouvel élément a également pris plus d’importance au fil du temps, pour finalement s'ajouter à la mission première des OBNL, qui consiste à amasser des dons et à aider ses bénéficiaires. «Ils doivent désormais rendre des comptes puisque les donateurs ne se contentent plus de donner, mais exigent de savoir où va leur argent.»

Leur rôle se transforme donc en conséquence. Ils accordent ainsi maintenant beaucoup plus de temps à l’élaboration d’une stratégie, tant sur le plan de la marque que de la planification des communications. «Le message véhiculé doit être plus clair et frapper l’imaginaire», ajoute-t-il.

On voit notamment plusieurs organismes du secteur investir dans des publicités-chocs, comme celle de la Fédération québécoise du cancer ou le coup d’éclat de la Fondation Émergence.

Les moyens pour atteindre les donateurs ont aussi connu une révolution. «Jusqu’à il y a à peine quelques années, les OBNL envoyaient encore des lettres pour solliciter les donateurs, alors qu’ils doivent maintenant se familiariser avec les collectes de fonds sur les médias sociaux et les systèmes CRM», mentionne-t-il.

Demeurer authentique dans l’appui d’une cause

Un autre phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années est l’engagement social des entreprises.

S’il ne peut s’agir que d’une bonne nouvelle pour les différentes causes, le fondateur d’Atypic souligne que l’intérêt doit être sincère. «C’est également important qu’elles le fassent avec les acteurs sur le terrain afin qu’une synergie existe et permette d'offrir des services de meilleure qualité.»

D’ailleurs, cette authenticité se révèle aussi essentielle lorsqu’on choisit de faire du travail pro bono pour les OBNL. «Cela devient un enjeu lorsqu’une entreprise accepte de l’effectuer, mais n’a pas les compétences pour bien le réaliser », soutient-il. On ne fait pas de la communication et du marketing de la même manière pour des entreprises que pour des OBNL.»

Il recommande ainsi aux entreprises qui prennent ce mandat de s'assurer d'abord de détenir les compétences pour le remplir, et du côté de l’OBNL, de s’assurer qu’il s’agit du bon partenaire.

Il est aussi d’avis que les organismes devraient, à un certain moment, payer pour les services. «Mon expérience m’a montré que le travail pro bono est souvent dévalué ou finit parfois sur une tablette, explique-t-il. Même si on offre un tarif réduit, le fait de payer pour un service lui donne une certaine valeur.»

Il ne nie pas que ce type de travail a encore sa place, mais rien n’empêche selon lui d’avoir un mélange entre les deux.

Une adaptation au compte-goutte aux nouvelles générations

Même si les donateurs rajeunissent, la génération des baby-boomers demeure la principale source de dons pour les OBNL.

«Plusieurs études montrent que bien que les jeunes estiment important de changer le monde et s’investissent autrement, ils ne sont pas encore prêts à faire des dons», souligne Pascal Lépine.

Or, ces dons représentent une partie importante des sources de financement de certains de ces organismes, selon une étude d’Imagine Canada. «Avant de pouvoir compenser pour toutes les pertes à venir, ils doivent trouver un moyen de connecter avec les jeunes et arriver à leur faire comprendre l’importance de redonner à la société», ajoute-t-il.

Il s’agit d’un nouveau défi pour eux de tenter de réanimer cette conviction pour qu’éventuellement, cela se traduise par des gestes plus significatifs. «Or, ces efforts de communication sont coûteux et il n’y a pas de revenus au bout à court terme.»

Pour le moment, donc, les OBNL n’investissent pas beaucoup d’argent, mais commencent lentement à se pencher sur cet enjeu.

«À l’avenir, on assistera au raffinement des communications dans le secteur de la philanthropie, et donc des besoins en main-d’œuvre, autant à l’intérieur des OBNL qu’à l’extérieur, estime-t-il. Les repositionnements d’OBNL, notamment en raison des diverses fusions auxquelles on assiste déjà, s’accentueront également.»

Enfin, le virage technologique se poursuivra, avec une sophistication des méthodes de communication et l’automatisation du marketing relationnel.

 

* À noter que selon les chiffres d'avril 2019 du Registre des entreprises du Québec indique qu'il existerait plutôt 90 000 OBNL. Nous avons opté pour le chiffre de l'Institut Mallet comme il décomposait le nombre d'OBNL en oeuvres et orgainismes de bienfaisance.

 

Photo en couverture: la campagne Le doigt sur le bobo, pour l'OBNL, Question Retraite, réalisée par Atypic.