«Les marques devraient se renouveler lorsque les temps sont bons»

Quels étaient vos objectifs quand vous avez décidé de reprendre les rênes de Kanuk?

richard laniel

kanuk

L’objectif était de sauver la marque, d’assurer sa stabilité financière. La marque avait perdu 50% de son chiffre d’affaires en une dizaine d’années. Nous avions deux options: soit il y avait une acquisition, soit nous fermions les portes. Il y avait quand même une soixantaine d’employés ici.

Il y a environ 10 ans, le parka a gagné en popularité. Avant, ce vêtement se fondait dans une catégorie plus large de sport en plein air. Nous avons vu une opportunité pour relancer la marque.

Il y a 5 ou 6 ans, on recevait des catalogues imprimés avec des célébrités qui portaient des manteaux Kanuk dans une direction artistique différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Que s’est-il passé?

«Louis Grenier, le fondateur de Kanuk, était un précurseur au niveau des influenceurs.»

Louis Grenier, le fondateur de Kanuk, était quand même un précurseur au niveau des influenceurs. Ce n’était pas comme ce que nous voyons aujourd’hui avec les médias sociaux, mais il avait très bien compris que la communauté artistique québécoise était très spéciale et que le marché québécois était, lui aussi, très spécial, très influencé par ces artistes. À l’époque, c’était des ambassadeurs de la marque. Aujourd’hui, ces personnes ont vieilli avec la marque et cette dernière n’a pas réussi à renouveler avec les nouvelles générations. 

Vous dites qu’il est plus difficile de revitaliser une marque que d’en lancer une nouvelle.

C’était dans un contexte financier. Quand on arrive à un point où il faut revitaliser, c’est lorsqu’on regarde les états financiers et on s’aperçoit que tout s’en va a la baisse. Tout à coup, tous les signaux sont au rouge, on commence à manquer de liquidités. Généralement, on devrait se renouveler lorsque les temps sont bons.

«Lorsqu’on qu’on comprend le consommateur, on est capable de guider l’organisation.»

Les nouvelles marques répondent à un besoin réel des consommateurs, car les anciennes marques ne se renouvellent pas assez rapidement. Ce n’est pas facile de voir les tendances, d’anticiper là où le consommateur va, mais c’est assez facile d’écouter. Lorsqu’on qu’on comprend le consommateur, on est capable de guider l’organisation.

Nous avons vu beaucoup de changements entre les années 70 et aujourd’hui. Désormais, il faut intégrer différents canaux pour être sûr de toucher les consommateurs. Les nouvelles marques, à l’image de Frank And Oak, ont très bien compris cela. Pour les marques plus vieilles, la démarche est moins évidente.

Peu de gens s’en rendent compte, mais en près de 40 ans, Kanuk n’a jamais distribué ses produits à l’extérieur du Québec. Aujourd’hui, vous êtes présent en Angleterre, Allemagne, en Chine, aux États-Unis, en France, en Scandinavie. Selon vous, est-ce obligatoire de vendre à l’international pour pouvoir durer?

Je ne pense pas que c’est obligatoire, mais, à un certain moment, une marque arrive à la croisée des chemins et doit évaluer si elle est capable de faire une offensive sur un nouveau marché. Dans notre cas, la démarche était naturelle. Nous avons un concurrent énorme, Canada Goose, qui a créé un engouement énorme pour le Made in Canada et pour le duvet canadien. La manufacture canadienne est aujourd’hui considérée comme un bien de luxe. En Asie on se l’arrache, en Europe tout le monde veut en porter. Pour nous, c’était important de partir à l’international.

Comment conjugue-t-on un développement à l’international et un ADN local?

«C’est comme si nous avions créé deux marques: une au Québec et l'autre à l'international.»

Dans un premier temps, Kanuk est un fleuron québécois et s’affiche comme étant une marque « faite au Québec pour les Québécois ». Ça a été la force de cette marque. Ici, il fallait trouver une façon de demeurer important au Québec et, même temps, s’afficher à l’international avec l’étiquette « Made in Canada ». Il fallait également positionner notre produit pour qu’il soit compétitif. Ici, nous avons un parka traditionnel Kanuk que tout le monde connaît et qui fonctionne bien avec la popularité du vintage. Mais, à l’international, ce vêtement n’a jamais existé.

C’est un peu comme si nous avions créé deux marques: une au Québec pour continuer à exister et demeurer important pour le consommateur, et une à l’international avec un positionnement de vêtement de luxe. Nous sommes un petit peu haut dessus de Canada Goose, et un petit peu plus bas que la marque Moncler à l’international.

Pourquoi avoir choisi de rester local?

Faire un manteau, c’est extrêmement compliqué, c’est pourquoi la main-d’œuvre est si rare. Parce qu’on a le climat, parce qu’on a les matières, nous avons un savoir unique qui fait qu’on ne peut pas refaire notre produit à l’extérieur.

Nous sommes une compagnie de luxe, donc dans un créneau très spécial. Cela fait 50 ans que nous faisons des manteaux localement. C’est un critère très important pour une compagnie de luxe: avoir un savoir-faire local et unique. C’est notre héritage et ce serait déplacé de délocaliser notre marque.

Enfin, si demain nous déplaçons notre marque et allons, par exemple, en Asie, nous allons être en concurrence avec 1 000 marques différentes. Aujourd’hui, le fait d’être ici fait que nous sommes en concurrence avec une seule marque à l’international. C’est beaucoup plus facile de se positionner.

Vous avez modernisé l’image de Kanuk pour aller chercher une clientèle plus jeune. Quelles ont été les étapes clés de votre stratégie?

La plus grande étape a été de décider où nous voulions aller. Ensuite, l’objectif a été de bien s’entourer, de choisir les bonnes personnes pour nous aider. Je viens d’un milieu commerce électronique. Je me suis rapidement associé avec deux personnes très importantes pour moi: Michel Lepage, qui est chef de la création artistique, et Annie Horth, l’ancienne styliste de Céline Dion. Tous les deux assument la direction artistique.

Vous avez déployé une campagne de marque-employeur. Quel était l’objectif?

«Nos employés sont les artisans de la réussite de Kanuk.»

L’idée était de montrer l’ADN local et le multiculturalisme à l’intérieur de Kanuk. Ces personnes travaillent très fort, ce sont les artisans de la réussite de Kanuk. Nous nous présentons comme une marque locale et nous sommes fiers de montrer les gens qui font ces manteaux. Cela humanise la marque.

D’un point de vue stratégique et marketing, les «milléniaux» aiment beaucoup cet aspect. Ils recherchent le réel, et nous avons eu beaucoup de retours positifs de leur part.

À l’interne, cela a créé de la fierté. Lorsque nous avons fait cette campagne, les employés étaient touchés. Sans la manufacture locale, nous n’existons pas. On ne peut pas choisir demain matin d’aller à l’extérieur et de produire nos vêtements en Asie. L’ADN de Kanuk, c’est la fabrication locale. Nos employés sont donc très importants.

Nous constatons une renaissance manufacturière à Montréal, alors que cette industrie avait disparu. Cette renaissance est bonne pour notre industrie puisqu’elle crée une main-d’œuvre qualifiée.

Vous avez précédemment dirigé les opérations Best Buy. En tant que président de Kanuk, comment vous transposez ce que vous avez appris dans une industrie très différente de la manufacture pour Kanuk?

Cela a été très difficile au début parce qu’on a toujours tendance à penser marge, augmentation de ventes, contrôle des dépenses. J’ai commencé avec cette attitude, mais je me suis rapidement rendu compte qu’il y avait plusieurs volets et, avant tout, Kanuk est une marque. Il faut prendre des décisions en fonction d’elle. J’ai dû prendre du recul, et aujourd’hui je pense d’abord à la marque et ensuite aux ventes.

Au regard de votre expérience, quel conseil donneriez-vous à une PME?

«N’ayez pas peur d’avoir des gens intelligents autour de vous, cela va juste vous aider.»

Je pense qu’il faut bien s’entourer. Lorsqu’on rentre dans une salle, il faut se sentir comme la personne la moins intelligente et la moins importante. Il faut regarder autour de nous et si on sent qu’il y a une intelligence capable de contribuer à notre réflexion, c’est une très bonne chose. N’ayez pas peur d’avoir des gens intelligents autour de vous, cela va juste vous aider. Une partie du succès repose sur ça. À titre personnel, je n’avais aucune expérience de la mode avant d’arriver chez Kanuk. Sans certaines contributions, la compagnie ne serait pas là où elle est aujourd’hui.

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Cette entrevue a été réalisée à l'occasion de la conférence Marketing des PME, organisée par Infopresse le 2 octobre 2019. Pour connaître les prochaines conférences, cliquez ici

Fondé en 1970 par Louis Grenier, Kanuk n’avait pratiquement pas changé son positionnement depuis 40 ans. Puis, le fabricant de manteaux chauds et durables fabriqués à Montréal a été racheté par la Corporation financière Champlain, qui en a donné les commandes à Richard Laniel. 

Depuis l’entrée en poste du nouveau président, l’entreprise a rajeuni son image et investi dans sa croissance au Québec et à l'étranger. Un vent de renouveau souffle sur la marque.

Comment assure-t-on aujourd’hui la pérennité d’une marque?

 Est-ce une obligation de se mondialiser? Comment le faire sans trahir son ADN local? Pourquoi Kanuk devait-elle revoir son identité? Et quelles ont été les étapes clés dans le déploiement du nouveau positionnement?
 
Comme président, comment voit-il son rôle? Est-ce important pour lui de s’impliquer à tous les niveaux et d’être présent sur le terrain?

À l'occasion de cette nouvelle conférence, de nombreux autres experts partageront leurs stratégies adaptées aux petites et moyennes entreprises: 

STÉPHANE MAILHIOT

HAVAS

2020: les tendances à surveiller

Quelles tendances ont marqué les industries du marketing, des communications et des technologies en 2019? Que peuvent apprendre les PME des meilleures – et des moins bonnes – initiatives de marques? Comment s’en inspirer pour préparer au mieux l’avenir?

Stéphane Mailhiot, vice-président, stratégies de marques de Havas à Montréal, décortique les grandes tendances qui retiendront notre attention en 2020.

Réinventer son modèle d'affaires grâce au numérique

Une érosion des marges, un changement des rapports de force avec vos partenaires de toujours, des géants mondiaux qui refusent désormais de négocier avec vous et imposent de nouveaux standards: voici quelques-uns des symptômes d’une transformation numérique profonde. 

QUELS SONT LES AVANTAGES DES STRUCTURES PLUS PETITES SUR CELLES PLUS GROSSES? 

MARIE NICOLLET

ADVISO

Comment les PME peuvent-elles tirer leur épingle du jeu? Quels sont les avantages des structures plus petites sur celles plus grosses? Si hier la taille de l’entreprise pouvait être un frein à la croissance, le numérique permet aujourd’hui une mise à échelle et de mieux compétitionner les plus grandes entreprises. Marie Nicollet, consultante stratégie d’affaires et transformation numérique d'Adviso explique comment s'y prendre.

Comment maximiser la force de ses contenus grâce à la mesure et l'optimisation

ARIANE LAFLEUR

TINK

Comment prendre action pour optimiser ses efforts en création de contenu? Où trouver les informations pertinentes à la mesure de performance de ses tactiques numériques? Où faire intervenir la publicité et le contenu? Quels indicateurs de performance retenir à chaque étape de l’entonnoir de conversion et, surtout, pourquoi?  

Alors que les organisations ont souvent tendance à négliger le contenu en fidélisation, Ariane Lafleur, stratège de contenu numérique de Tink, fait le point sur les stratégies de contenu qui génèrent de l'engagement et qui incarnent l'essence d’une marque. Elle explique comment les déployer et en mesurer la performance tout en maximisant les retombées. 

Identité corporative et marque employeur: quelles stratégies pour une synergie efficace?

GABRIEL TREMBLAY

SEPT24

Pour une PME visant la croissance, cultiver une marque employeur forte peut se révéler très rentable. En plus d’être une source d’avantages concurrentiels permettant d’attirer, de motiver et de retenir des gens de talent, elle peut aussi contribuer à faire rayonner son entreprise dans des marchés plus éloignés. Comment tirer profit au maximum de son offre? Comment installer une synergie entre identité corporative et marque employeur?

 Gabriel Tremblay, directeur de comptes, marketing RH de Sept24, partage conseils et clés pour se doter d’une image de marque forte, avec des exemples concrets tirés de petites et plus grandes entreprises et pouvant inspirer tous les budgets. 

JULIE POITRAS-SAULNIER

LOOP

Collaborer pour mieux s'annoncer

Tendance grandissante dans le milieu, le co-marketing représente un bon moyen de décupler les budgets marketing des PME, en plus de faire rayonner les valeurs d'entreprises d'une marque à l'autre. Surtout, il s'agit d'une avenue où chacun peut viser des retombées différentes… tout en partageant son audience pour le profit de tous!

SOPHIE ROY

OATBOX

Qu’est-ce qui pousse des entreprises de toutes tailles à s’allier volontairement à la petite équipe de Loop et leurs valeurs d’entreprise prônant l’économie circulaire? Quels avantages incitent Oatbox, qui effectue la majeure partie de son commerce en ligne, à s’associer avec d’autres PME d’ici? Qu’est-ce qui fait de deux marques de bons partenaires potentiels? Julie Poitras-Saulnier, présidente et cofondatrice des jus Loop, et Sophie Roy, responsable du marketing des petits-déjeuners Oatbox, discuteront ensemble de l’art de la collaboration.

Consultez la programmation complète.

La conférence Marketing des PME est une initiative d'Infopresse.